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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/106

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de la pensée à un objet. C’est pourquoi Descartes ose dire, en contradiction directe avec la manière dont la philosophie couramment enseignée définit la déduction, que « c’est le propre de notre esprit, de former les propositions générales de la connaissance des particulières ». (Réponses aux Secondes Objections, IX, p. 111). Aussi se contente-t-il, dans les Regulae, pour expliquer les quatre opérations arithmétiques, de ces preuves intuitives que Poincaré a cru devoir remplacer par des raisonnements analytiques. C’est par cette vue concernant l’esprit que les idées claires et distinctes apparaissent comme infaillibles, et la science comme uniformément simple, claire et facile, si loin qu’elle s’étende. Car elle ne fait que créer des séries où chaque idée soit aussi facile à saisir d’après la précédente que la première par elle-même ; autrement dit il n’y a pas d’autre ordre que celui qui règle la suite des nombres, et fait qu’on pense mille aussi facilement que deux.

Enfin l’on comprend que, conformément à cette même vue, lorsque l’esprit s’applique au monde, il prenne pour intermédiaires des figures géométriques et des signes algébriques, ou bien des sensations, c’est toujours le même esprit, le même monde, la même connaissance ; et c’est ce que Descartes, en tous ses écrits, fait assez clairement entendre.

Ce n’est pas que les idées formées au cours de cette hasardeuse reconstruction puissent prétendre à être les idées mêmes de Descartes, ou même à leur ressembler. Il suffit qu’une telle ébauche non pas même commente, mais permette seulement d’aborder à nouveau et plus fructueusement les textes mêmes. Aussi ne peut-on mieux la conclure qu’en invoquant, comme Descartes pour justifier