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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/125

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FRAGMENT D’UNE LETTRE
À UN ÉTUDIANT
(Paris, 1937)


… aussitôt rentrée, je me suis jetée sur Louis de Broglie. J’ose à peine avouer que cela m’a fait une impression mélangée. Son intuition de génie consiste, il me semble, essentiellement à avoir aperçu que l’apparition de nombres entiers dans les phénomènes atomiques, depuis la découverte sensationnelle de Planck sur les mouvements stables des électrons, implique quelque chose d’analogue à des interférences d’ondes. Cette intuition a été confirmée notamment par la prodigieuse expérience de la diffraction des électrons au moyen de cristaux ou de réseaux optiques. Tout cela, c’est de la physique et de la plus belle. Quant à considérer la notion d’onde comme une notion première concernant la structure de la matière, ne serait-ce pas absurde ? L’on ne pense une onde qu’au moyen des notions de choc et de poussée, appliquées aux fluides. Rappelez-vous la comparaison de Huyghens avec ses billes d’agate, au début de son admirable mémoire. (À ce propos, celui de Fresnel aussi est prodigieusement intéressant.) D’autre part, l’image des ondes et celle des corpuscules sont inconciliables ; qu’y a-t-il là d’extraordinaire ?