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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/126

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Cela montre qu’il faudrait élaborer une troisième image où soient groupées les analogies représentées par les deux autres. Quand ce serait impossible, je ne trouve pas si choquant qu’on doive se référer à deux images incompatibles pour rendre compte d’un phénomène, les images ne faisant jamais que représenter des analogies d’une manière « sensible au cœur », comme dirait Pascal.

Par ailleurs, la mécanique quantique aboutit à des formules où se trouvent des termes ne satisfaisant pas à la règle de commutativité de la multiplication. Dans l’imagerie de la mécanique ondulatoire, ce phénomène mathématique bizarre apparaît comme correspondant à la dualité entre l’aspect « ondes » et l’aspect « corpuscules » de la matière. De toute manière, on admet que cette non-commutativité correspond à l’impossibilité de mesurer simultanément et d’une manière exacte deux grandeurs. (D’après l’interprétation ondulatoire, position et vitesse.) On exprime cette impossibilité par des « relations d’incertitude ». Je cherche en vain ce qui, dans tout cela, porte atteinte au déterminisme. Que nous soyons incapables de déterminer par des mesures ces deux grandeurs à la fois, est-ce à dire que ces grandeurs soient en soi indéterminées ? La question même n’a pas de sens. Veut-on établir qu’il nous est impossible de posséder les données nécessaires pour concevoir concrètement la nature comme déterminée ? Mais cela, le simple bon sens a toujours permis de le reconnaître. Sans rien savoir en physique, on peut comprendre que nous ne possédons en aucun cas les données des problèmes auxquels nous essayons de réduire les phénomènes naturels. Pour étudier un phénomène quelconque, nous éliminons par abstraction d’une part tout ce qui se passe autour, d’autre part tout ce qui se