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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/153

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de proportion variable, c’est-à-dire de fonction ; mais pour nous le terme même de fonction indique la dépendance d’un terme à l’égard d’un autre, au lieu que les Grecs trouvaient simplement leur joie à faire du changement un objet de contemplation. Si l’on ajoute une charge à un bateau, et qu’il s’enfonce un peu, nous voyons là une force qui produit un effet ; aux yeux d’Archimède une ligne marquait sur la surface du corps flottant l’image du rapport entre sa densité et celle du fluide. De même un point marquait sur la balance en équilibre, sous forme de longueurs, la proportion entre les poids inégaux. Quelle plus belle image que celle d’un navire soutenu sur la mer, comme un plateau de balance, par une masse d’eau de mer placée de l’autre côté d’un axe, et qui change sans mouvement à mesure que le navire avance, comme l’ombre d’un oiseau qui vole ? On perd cette poésie, on perd aussi beaucoup de rigueur, en parlant simplement d’une poussée vers le haut. Bien qu’il soit plus facile de construire une trajectoire elliptique avec des mouvements droits susceptibles d’accélération qu’avec des mouvements circulaires uniformes, nous avons perdu de la rigueur et de la poésie en disant que les planètes tendent vers le soleil ; il est plus beau de dire que les astres décrivent des cercles, et que leurs positions successives reflètent les proportions entre les rayons, les vitesses et les angles définissant les divers mouvements circulaires dont chacun est mû. Le cercle est l’image du mouvement infini et fini, changeant et invariable, il enferme un espace clos, et évoque tous les cercles concentriques qui s’étendent aussi loin que l’univers ; il est aussi, comme Pythagore le reconnut avec ivresse, le lieu des moyennes proportionnelles. Le mouvement circulaire a une loi sans se diriger