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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/155

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homme acquiert effectivement sur lui-même et peut-être sur autrui par un long effort de transformation intérieure ; les conditions sont mystérieuses. Autant il peut y avoir de semblables rapports susceptibles d’être conçus par l’homme, autant il y a de formes différentes de la connaissance du monde ; et la valeur de chacune de ces formes est la valeur du rapport qui lui sert de principe, exactement, ni plus, ni moins. Au reste, certaines de ces formes s’excluent, d’autres ne s’excluent nullement. Mais la science contemporaine, que faut-il en penser ? Quel rapport lui sert de principe et en mesure la valeur ? Il est difficile de répondre à cette question, non qu’il y ait quelque obscurité, mais parce que le respect humain éloigne de la réponse. La signification philosophique de la physique du xxe siècle, la pensée profonde qui en est l’âme, sont comme le manteau de l’empereur dans le conte d’Andersen ; on passerait pour un sot et pour un ignorant en disant qu’il n’y en a pas, il vaut mieux les donner pour inexprimables. Néanmoins le rapport qui est au principe de cette science est simplement le rapport entre des formules algébriques vides de signification et la technique.

La science du xxe siècle, c’est la science classique après qu’on lui a retiré quelque chose. Retiré, non pas ajouté. On n’y a apporté aucune notion, et surtout on n’y a pas ajouté ce dont l’absence en faisait un désert, le rapport au bien. On en a retiré l’analogie entre les lois de la nature et les conditions du travail, c’est-à-dire le principe même ; c’est l’hypothèse des quanta qui l’a ainsi décapitée. Les formules algébriques auxquelles se réduisait, vers la fin du xixe siècle, la description des phénomènes, signifiaient cette analogie du fait qu’à chacune d’elles on pouvait faire correspondre un