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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/158

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ne signifie rien. Cette particularité le rend difficile à traduire.

Ce bouleversement de la physique est l’effet de deux changements, l’introduction du discontinu et le perfectionnement des instruments de mesure qui a modifié l’échelle des observations. La chimie est née le jour où la balance a fait apparaître des rapports numériques simples et fixes entre substances distinctes qui se combinent ; un retour du discontinu et du nombre au premier plan de la science de la nature était déjà impliqué dans cette pesée. D’autre part les appareils nous donnaient accès à l’observation de phénomènes très petits par rapport à l’échelle de nos sens, tels que le mouvement brownien. Discontinu, nombre, petitesse, c’est assez pour faire surgir l’atome, et l’atome est revenu parmi nous avec son cortège inséparable, à savoir le hasard et la probabilité. L’apparition du hasard dans la science a fait scandale ; on s’est demandé d’où il venait ; on n’a pas réfléchi que l’atome l’avait amené ; on ne s’est pas souvenu que déjà dans l’antiquité le hasard accompagnait l’atome, et l’on n’a pas songé qu’il n’en peut être autrement.

On se trompe souvent sur le hasard. Le hasard n’est pas le contraire de la nécessité ; il n’est pas incompatible avec elle ; au contraire, il n’apparaît jamais, sinon en même temps qu’elle. Si l’on suppose un certain nombre de causes distinctes produisant des effets selon une nécessité rigoureuse ; si un ensemble d’une certaine structure apparaît dans les effets ; si on ne peut pas grouper les causes en un ensemble de même structure, il y a hasard. Un dé, par sa forme, n’a que six manières de tomber ; il y a une variété illimitée dans la manière de le jeter. Si je jette un dé mille fois, les chutes du dé