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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/159

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se répartissent en six classes qui ont entre elles des rapports numériques ; les jets ne peuvent pas se répartir ainsi. Au reste, je n’imagine pas le moindre défaut dans le tissu de nécessités mécanique qui détermine à chaque fois le mouvement du dé. Si je jette le dé une fois, j’ignore quel sera le résultat, non pas à cause d’une indétermination dans le phénomène, mais parce que c’est un problème dont j’ignore en partie les données. Ce n’est pas cette ignorance qui me donne le sentiment du hasard, mais uniquement l’image, qui accompagne mon mouvement, de pareils mouvements possibles en quantité indéterminée et dont les effets se répartissent en six classes. Il en est de même si l’on considère l’ensemble des positions possibles d’un disque tournant et des impulsions qui peuvent lui être imprimées, d’une part, d’autre part un petit nombre de couleurs sur lesquelles une aiguille peut s’arrêter. Dans de tels jeux, l’ensemble des causes a la puissance du continu, c’est-à-dire que les causes sont comme les points d’une ligne ; l’ensemble des effets se définit par un petit chiffre de possibilités distinctes. Dans l’antiquité, l’image des atomes a aussitôt évoqué dans les esprits les jeux de hasard, et ce n’était pas vainement, malgré les différences. Si je conçois sous le nom d’univers un ensemble d’atomes en mouvement, chaque mouvement étant strictement déterminé, et si je me demande comment se dérouleront les phénomènes à une échelle supérieure aux yeux d’observateurs à qui l’atome est invisible, je ne puis concevoir absolument aucun motif pour que leur déroulement présente aucune apparence de constance, de régularité, de coordination, ou même pour qu’il soit possible de recommencer deux fois une expérience. Il est clair que si l’on ne peut pas recommen-