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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/253

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fois ; en conclure qu’il n’y en a pas. Tu n’ignores pas qu’ils faisaient des recherches d’arithmétique (ils ont démontré que tout carré entier est la somme des n premiers nombres impairs). Cette voie me paraît extrêmement naturelle. Quant à la raison pour laquelle ils se sont intéressés à la moyenne proportionnelle entre un nombre et son double, je pense que cela tenait à l’intérêt qu’ils portaient aux séries. La moyenne arithmétique et la moyenne harmonique entre un nombre et son double sont signalées comme quelque chose d’admirable dans un texte de l’Épinomis (apocryphe de Platon) qui semble inspiré d’eux. Le texte du Ménon et l’histoire de Délos suggèrent que ce problème a pu prendre la forme du problème de la duplication du carré.

Représenter la moyenne proportionnelle en question par la diagonale du carré devait venir immédiatement à l’esprit, soit en remarquant que le carré construit sur la diagonale est double, soit par la propriété du côté droit du triangle rectangle, qui est moyenne proportionnelle entre l’hypoténuse et le segment déterminé sur l’hypoténuse par la hauteur.

En disant qu’il n’y a pas eu de drame des incommensurables, je ne veux pas dire que les Grecs n’aient pas été bouleversés d’émotion par cette découverte. Je sais qu’ils l’ont été ; on en voit partout des traces. (Par parenthèse, si la transcendance d’ et a laissé les gens indifférents, c’est que nous sommes abrutis.) Mais je pense que cette émotion a été joie et non pas angoisse. Comme tu peux voir de ce qui précède, je pense qu’ils ont été, non pas stupéfaits qu’il y ait des rapports indéfinissables par les nombres, mais intensément heureux de voir que même ce qui ne se définit pas par nombres est encore rapport. L’Épinomis, déjà cité,