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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/254

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dit : « …ce qu’on appelle, d’un nom tout à fait ridicule, géométrie, et qui est l’assimilation (ὁμοίωσις) des nombres (ἀριθμῶν) non semblables entre eux par nature, assimilation rendue manifeste par la nécessité (? μοῖραν) des choses planes ; merveille non humaine, mais divine, comme il est évident à quiconque peut la comprendre. » Les esprits de second ordre ont pu être consternés ; les autres ont dû être dans le ravissement, en s’élevant à une notion du rapport qui demande un exercice de l’intelligence plus dépouillé que le rapport numérique.

La découverte des incommensurables exige seulement le raisonnement prouvant que si , m est pair et impair, et l’application au demi-carré des propriétés du triangle rectangle. L’un et l’autre étaient à la portée de Pythagore. Je pense que loin que cette découverte ait pu porter le trouble dans la doctrine que « tout est nombre », elle en est l’explication. Car dire que tout est nombre, au sens littéral, est une stupidité évidente. Car tout n’est pas nombre. Mais si on a découvert, dans un certain cas, que même ce qui n’est pas nombre est néanmoins encore nombre en un sens, on peut dire alors que tout est nombre — c’est-à-dire rapport. Sans doute les Pythagoriciens étaient heureux de trouver dans les sons, par exemple, des rapports numériques. Mais il aurait fallu qu’ils fussent idiots s’ils avaient cru pouvoir en trouver partout.

Ce que je dis suppose, évidemment, qu’ils aient eu une idée nette des rapports irrationnels. Mais si l’on avait attendu Eudoxe pour cela, la philosophie de Platon ne serait pas intelligible. En te signalant qu’Eudoxe était l’élève d’un géomètre pythagoricien, je voulais suggérer qu’il a pu hériter et non découvrir une partie de ce qu’on rapporte