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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/271

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valeur de chacun est la valeur du rapport qui lui sert de principe, exactement, ni plus ni moins.

Parmi toutes les formes différentes de la connaissance du monde, la science grecque, si merveilleusement claire, est pour nous une énigme. En un sens, elle est le commencement de la science positive ; à première vue la destruction de la Grèce par la guerre semble avoir déterminé seulement une interruption de dix-sept siècles, non un changement d’orientation. Toute la science classique — si l’on convient de nommer ainsi la science occidentale des xvie, xviie, xviiie et xixe siècles — est déjà contenue dans les ouvrages grecs, non seulement en germe, mais bien plus qu’en germe. La théorie du nombre généralisé élaborée par Weierstrass à la fin du xixe siècle est identique à celle que conçut Eudoxe, ami de Platon, élève d’un des derniers pythagoriciens authentiques, et que nous trouvons dans Euclide ; il définit avec toute la rigueur et la clarté qu’une âme humaine peut désirer la possibilité d’appliquer les opérations arithmétiques aux quantités non assimilables à des nombres, telles que les longueurs. Le même Eudoxe inventa, dit-on, le calcul intégral, et sa définition de la notion de limite qui en fait le centre, définition qui nous a été transmise par Archimède et reste connue sous le nom d’axiome d’Archimède, n’a jamais été dépassée en précision et en rigueur. Il conçut aussi, poussé par Platon, une combinaison de mouvements circulaires et uniformes qui rendait parfaitement compte de tous les faits concernant les astres connus à son époque. La conception de plusieurs mouvements simples et définis se composant pour déterminer la trajectoire d’un mobile est à la base de notre mécanique ; c’est elle qui rend possible la traduction des mouvements en formules