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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/272

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algébriques. La seule différence entre Eudoxe et la mécanique classique est que celle-ci part de mouvements droits, soit uniformes, soit accélérés ; cela seul, au fond, sépare l’astronomie d’Eudoxe de celle de Newton, car, quoique Newton ait beaucoup parlé de force d’attraction, la gravitation n’est pas autre chose qu’un mouvement uniformément accéléré dans la direction du soleil. L’absence d’algèbre dans la science grecque ne doit pas nous faire croire à l’ignorance de ce qui, pour nous, est l’instrument par excellence de la recherche scientifique ; on peut difficilement supposer que les Grecs aient ignoré l’algèbre enseignée il y a quatre mille ans aux écoliers babyloniens et qui comportait la solution d’équations numériques du deuxième, quatrième et même troisième degré. Qu’on substitue dans cette algèbre le nombre généralisé au nombre arithmétique et la notion de fonction à celle d’équation, et l’on obtient notre algèbre. Les Grecs possédaient, maniaient et appliquaient les notions de nombre généralisé et de fonction, mais ils n’ont jamais voulu les exprimer sous forme d’équations ; ils n’ont pas admis pour les relations algébriques d’autres symboles que les figures de la géométrie. Il faut très probablement voir là un parti pris lié à leur conception générale de la science.

Leur part dans l’élaboration de notre science ne se limite pas, il s’en faut, à la mathématique et à l’astronomie. Archimède fonda la mécanique par sa théorie purement mathématique de la balance, du levier, du centre de gravité ; à cette théorie et à celle des mouvements combinés d’Eudoxe il reste seulement à ajouter, pour obtenir notre mécanique, la notion de mouvement droit uniforme accompli par inertie et celle de mouvement uniformément