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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/285

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tion de faits où il ne puisse discerner aucune nécessité, parce qu’il faudrait pour discerner une nécessité ou embrasser moins ou embrasser beaucoup plus, Or il ne peut embrasser beaucoup plus, d’abord parce que la technique, bien que susceptible de progrès, ne peut pas atteindre n’importe quel degré de puissance, puis parce que les limites de sa capacité mentale restent les mêmes alors que la technique progresse et que les faits s’accumulent. Il faut qu’il se contente d’embrasser moins.

Plus généralement, alors que l’homme, quelque usage qu’il fasse de l’algèbre et des instruments, ne peut jamais se passer pour la science de son intelligence et de son corps, choses limitées et dont les limites ne changent pas au cours des siècles, il est absurde de croire la science susceptible de progrès illimité. Elle est limitée, comme toutes choses humaines, hors ce qui, dans l’homme, s’assimile à Dieu ; et il est bon qu’elle soit limitée, car elle est, non une fin à laquelle beaucoup d’hommes devraient se donner, mais un moyen pour chaque homme. Le temps est venu de chercher non à l’étendre, mais à la penser.

On peut nommer microcosmes ou vases clos, ces portions d’univers, limitées dans l’espace et le temps, où, à quelque chose près — ici s’introduit la notion capitale de la physique, celle de négligeable — il est possible de trouver une image de l’équilibre. Puisqu’on y néglige quelque chose — et ce quelque chose n’est jamais un infiniment petit, mais est de la dimension de l’univers, car c’est avant tout la présence de tout l’univers autour — ce ne sont pas des choses qui existent, mais des abstractions, plus réelles pourtant que les apparences sensibles qui nous sont données. La plus simple, le symbole de toutes les autres est la balance, qui de ce fait peut être prise