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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/287

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humains. La délimitation d’un domaine et la définition d’un équilibre sont réciproquement conditions l’une de l’autre, ce qui fait de l’élaboration de la science un travail analogue à celui de l’artiste.

La limite, qui implique la notion d’équilibre, est la première loi du monde manifesté ; la hiérarchie est la seconde. La notion de valeur est inséparable de la pensée humaine, et n’a pas à être jugée, car elle se pose elle-même ; on peut seulement examiner si, et à quoi, elle s’applique. Les jugements de valeur sont toujours intuitifs et n’admettent pas de preuve ; la raison discursive n’intervient que pour les définir et les mettre en ordre de manière qu’aucune contradiction n’empêche qu’ils se rapportent tous à une seule et même valeur. La connaissance de notre imperfection en tant qu’êtres pensants est la connaissance la plus immédiate ; elle est commune à tous les hommes et continuellement présente, sinon peut-être dans le sommeil et le rêve ; elle est inséparable de la conscience, même en ses degrés inférieurs, et de l’effort ; elle implique un rapport à une perfection, une valeur suprême qui par suite apparaît à l’homme négativement et par rapport à la pensée. Par là, la pensée humaine participe à la valeur, et les conditions de la pensée y participent aussi en tant que telles. On peut à cet égard les classer selon une hiérarchie. Parmi les formes de la matière, la matière vivante organisée de manière à constituer un corps humain, la matière vivante animale, la matière vivante végétale, l’énergie rayonnante comme condition des transformations chimiques qui font surgir la matière vivante, l’énergie mécanique, l’énergie calorifique se trouvent rangées dans cette énumération selon une hiérarchie. L’homme peut et doit concevoir la possibilité de hiérarchies de valeur non