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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/288

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relatives à la pensée humaine, mais il ne peut pas concevoir ces hiérarchies.

Toutes les choses faites de matière se transforment continuellement les unes dans les autres, et l’équilibre consiste en ce que les transformations qui s’opèrent dans tel sens sont compensées par celles qui s’opèrent en sens contraire. Il y aurait une infinité de manières de classer les sens des transformations, mais si on les rapporte à une hiérarchie de valeur il en apparaît trois espèces, celles qui se font de l’inférieur au supérieur, celles qui se font du supérieur à l’inférieur, celles qui se font sans changement de niveau. Cette classification vaut pour tous les changements d’ailleurs et non pas seulement pour la matière. On peut faire correspondre par abstraction aux changements ainsi répartis trois tendances ; ce sont les gunas de l’Inde, de même que la notion hindoue du dharma n’est pas autre chose que la notion d’équilibre. On peut dire que tout phénomène tend à la fois à s’étendre, à se dégrader, à s’élever. Le difficile est de définir ces termes par rapport aux différentes espèces de phénomènes.

Aux deux premières tendances correspondent, en ce qui concerne la matière non vivante, les deux principes qui dominent la science du xixe siècle et encore celle d’aujourd’hui, la conservation et la dégradation de l’énergie. Jusqu’ici, la science n’a pas formulé un troisième principe, mais il est clair qu’il en faut un troisième qui balance la dégradation de l’énergie, car autrement l’entropie maximum serait déjà atteinte partout et tout serait immobile et mort. D’autre part, la transformation de la matière non organique en matière organique est le contraire d’une dégradation, et cette transformation s’accomplit continuellement. La spécialisation empêche qu’on en tienne compte en physique ;