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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/40

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une fin qu’on peut considérer comme plus relevée ; mais c’est la dernière qui nous viendrait aujourd’hui à l’esprit, car cette fin consiste à fonder la morale. Descartes l’écrit expressément à Chanut, à propos des Principes : « On peut dire que ce ne sont que des vérités de peu d’importance, touchant des matières de Physique qui semblent n’avoir rien de commun avec ce que doit savoir une Reine. Mais… ces vérités de Physique font partie des fondements de la plus haute et de la plus parfaite morale. » (V, p. 290.) Et l’on ne peut soupçonner Descartes d’entendre cette liaison comme fit plus tard Comte, car il n’y a pas en son œuvre trace de sociologie.

Comment l’entendait-il ? C’est ce qu’il n’est pas facile de savoir. Mais ainsi prévenus nous serons moins étonnés en remarquant que, si Descartes, comme Poincaré, demande plutôt à la science de se conformer à l’esprit qu’aux choses, il ne s’agit nullement pour lui de penser commodément, mais bien, c’est-à-dire en dirigeant la pensée comme il faut. C’est pour cela, et non parce qu’elle n’est pas assez générale ou assez féconde, qu’il ne peut se contenter de la géométrie classique, où il avait d’abord espéré trouver de quoi satisfaire son désir de savoir. Sed in neutra Scriptores, qui mihi abunde satisfecerint, tunc forte incidebant in manus ; nam plurima quidem in iisdem legebam circa numeros, quae subductis rationibus vera esse experiebar ; circa figuras vero, multa ipsismet oculis quodammodo exhibebant, et ex quibusdam consequentibus concludebant ; sed quare haec ita se habeant, et quomodo invenirentur, menti ipsi non satis videbantur ostendere[1]. (X, p. 375.) Et s’il essaie de

  1. « Mais ni pour l’une ni pour l’autre je ne mettais la main sur des auteurs qui m’aient pleinement satisfait : je lisais bien chez eux beaucoup de choses touchant les nombres, qu’après avoir fait des