Aller au contenu

Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dre, ou savoir qu’elle est pour moi insoluble, ce sont trois manières de connaître, et qui constituent, au même titre, des connaissances. Je ne tirerai que de moi cette science sans lacunes. Je ne chercherai pas de méthode non plus que de hasards, en vue de faire apparaître une vérité entièrement nouvelle ; une telle vérité n’est qu’une chimère à mon égard, et je ne puis avoir pour méthode que l’analyse. C’est-à-dire que ce que je connais présentement, que je pense, que je suis, que je dépends de Dieu, que je subis un monde, cette connaissance que j’ai dû développer non sans précautions, mais intuitive et qui ne fait qu’un avec l’acte de connaître, contient tout ce que j’ai à connaître ; je dois trouver en elle de quoi me satisfaire à n’importe quel sujet. S’ensuit-il que grâce à elle je puisse résoudre ou reconnaître insoluble toute question ? Je me demanderai, par exemple, ce qu’est ce papier sur lequel j’écris ? s’il est quelque chose autre que les impressions de couleur ou de contact que je crois en recevoir ? ou si la question est hors de ma portée. Or tout cela, je m’aperçois que je l’ignore. Avant d’essayer de résoudre cette contradiction, je veux examiner plus soigneusement ce que je sais dès à présent touchant ce qu’est le monde par rapport à moi. Cette connaissance de moi que je me donne du fait seul que je pense, serait la connaissance totale si j’étais Dieu ; mais je reste impénétrable à moi-même dans la mesure où je ne me crée pas par l’acte de penser, c’est-à-dire autant que je subis l’empreinte d’un monde. Ce monde se presse sur moi par tout le poids de l’aversion, du désir, de la croyance, sans me laisser, je l’ai reconnu, d’autre pouvoir que le refus. Et que puis-je refuser ? En ce moment par exemple je jouis d’un air plus pur et plus frais, je désire la