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Page:Wharton - Sous la neige, 1923.djvu/63

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Puis il chercha une allumette dans sa poche, et s’agenouillant, il promena doucement la flamme au-dessus de la neige amoncelée sur les marches du perron. Il était encore à terre lorsque ses yeux aperçurent, en dessous de la porte, un mince rayon de lumière… Qui pouvait bien être debout dans la maison silencieuse ?

Il entendit un pas sur l’escalier, et, pour la seconde fois, l’idée des vagabonds l’assaillit…

La porte s’ouvrit et il vit sa femme.

Sur le fond noir de la cuisine, elle apparut anguleuse et grande, ramenant d’une main sur sa maigre poitrine un couvre-lit de calicot matelassé, tandis que de l’autre elle portait une lampe. La lumière, levée à la hauteur de son menton, éclairait le cou flasque et le poignet saillant de la main qui retenait le châle improvisé. La flamme donnait un aspect fantomatique aux creux et aux reliefs de son visage osseux, encadré de papillotes.

Ethan Frome était encore sous l’impression mystique de l’heure passée avec Mattie et cette apparition avait pour lui la netteté aiguë du dernier rêve qui précède le réveil. Il lui semblait voir pour la première fois sa femme telle qu’elle était.

Zeena s’effaça silencieusement, et Mattie et Ethan franchirent le seuil. L’humidité sépulcrale de la cuisine contrastait avec le froid sec de la nuit.