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ESCALADES DANS LES ALPES.

égalaient presque en intensité le bruit du tonnerre véritable qui, pendant cet orage, me parut chaque fois consister en un seul son instantané et dur.

Dans les nombreux orages dont j’ai été témoin dans les Alpes, il m’a été prouvé, ce jour-là seulement, que les roulements du tonnerre sont des échos, et qu’ils ne sont pas, par conséquent, les bruits de décharges successives et nombreuses qui éclatent sur une longue ligne à des distances variées de l’auditeur et qui ne peuvent arriver à son oreille au même instant, quoiqu’elles se succèdent de manière à produire un son plus ou moins continu[1].

Pendant tout ce temps, le vent semblait souffler de l’est avec assez de force. Quoique la tente fût en partie protégée par les rochers, le vent la secouait avec tant de violence que nous craignîmes plusieurs fois de la voir emportée avec nous dans l’espace ; aussi, profitant de quelques moments de calme, nous nous glissâmes en dehors pour élever un petit mur qui pût nous servir d’abri. Vers trois heures et demie, le vent sauta au nord-ouest et les nuages disparurent. Nous saisîmes immédiatement ce moment favorable pour renvoyer un des porteurs (que ses camarades escortèrent un peu au delà du col du Lion), car la tente ne pouvait abriter que cinq personnes. Le temps varia à partir de ce moment jusqu’au coucher du soleil. Tantôt régnait un calme plat, tantôt le vent soufflait avec violence et la neige tombait en flocons serrés. La tempête ne sévissait évidemment que sur le Cervin, car, dès que les nuages se dissipaient, nous distinguions parfaitement tout ce qu’on pou-

  1. M. J. Glaisher a souvent constaté que tous les sons que l’on entend en ballon, quand on est à quelque distance de la terre, sont remarquables par leur brièveté. On n’entend qu’un seul son ; il n’y a ni réverbération ni réflexion, et c’est là un phénomène caractéristique, quand on est en ballon, on ne perçoit de tous les bruits qu’un son clair, dont les vibrations continuent un instant, puis cessent subitement. (Good Words, 1863, p. 224.)

    Dans l’opinion de M. Glaisher, les coups de tonnerre qu’il a entendus pendant ses « Voyages aériens » n’ont pas fait exception à la règle générale, et l’absence de roulements l’a confirmé dans sa conviction que les sons roulants prolongés qui accompagnent le tonnerre sont des échos, et ne sont que des échos.