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ESCALADES DANS LES ALPES.

À en croire d’autres écrivains[1], l’intempérance, la mauvaise nourriture, des habitudes vicieuses, et la malpropreté personnelle, sont les germes du crétinisme. Cette opinion me paraît mériter une sérieuse considération ; cependant elle n’explique pas pourquoi, toutes conditions égales d’ailleurs, le fléau, qui sévit dans le centre de la vallée, en épargne les deux extrémités et les contrées voisines.

Reste donc sur l’origine du crétinisme une conjecture rarement exprimée, mais adoptée vaguement par un certain nombre d’observateurs, plus probable que toutes les autres explications, et basée sur des faits incontestés.

La vallée d’Aoste jouit d’une fertilité proverbiale ; la culture de la vigne s’y mélange avec celle des céréales, les troupeaux y abondent ; ses ressources minérales sont considérables. La récolte, l’élève du bétail et les autres productions naturelles suffisent — au delà de leurs besoins — aux hommes et aux animaux. Il y a certes des pauvres dans la vallée, comme partout ailleurs, mais la vie y est pour eux si facile qu’ils ne sont pas obligés d’émigrer à la poursuite du nécessaire ; de génération en génération, ils demeurent comme enracinés sur leur sol natal. En outre ils se marient toujours entre eux. La population est donc plus ou moins unie par les liens du sang, et le crétinisme est peut-être, sur une grande échelle, un exemple des résultats déplorables que peuvent avoir les mariages consanguins.

Le crétinisme, en effet, se rencontre principalement dans les vallées, sur les îles[2] ou dans d’autres régions circonscrites où

  1. On me cita, en 1869, l’exemple d’un petit propriétaire de la vallée d’Aoste, dont la femme et les enfants jouissaient d’une bonne constitution. Il fit deux années de suite une belle récolte de vin ; au lieu de ménager ses ressources, il les mangea et il les but avec prodigalité. Les deux années qui suivirent, sa femme mit au monde deux enfants crétins. Survinrent des récoltes médiocres ; il fut obligé de vivre frugalement et il eut des enfants bien portants. Les parents n’ont aucune apparence d’aucun symptôme de crétinisme.
  2. Le docteur Blackie cite l’exemple remarquable de l’île de Medwörlh (Niederwörth), près de Coblentz, dont les habitants se marient toujours entre eux. Cette île, dit-il, compte 40 crétins sur une population totale de 750 habitants.