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Page:Wilde - Le portrait de Dorian Gray, 1895.djvu/169

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DE DORIAN GRAY

amener à l’exposer. Vous avez dit exactement la même chose à Harry.

Il s’arrêta soudain ; un éclair passa dans ses yeux. Il se souvint que lord Henry lui avait dit un jour à moitié sérieusement, à moitié en riant : « Si vous voulez passer un curieux quart d’heure, demandez à Basil pourquoi il ne veut pas exposer votre portrait. Il me l’a dit, et cela a été pour moi une révélation ». Oui, Basil aussi, peut-être, avait son secret. Il essaierait de le connaître…

— Basil, dit-il en se rapprochant tout contre lui et le regardant droit dans les yeux, nous avons chacun un secret. Faites-moi connaître le vôtre, je vous dirai le mien. Pour quelle raison refusiez-vous d’exposer mon portrait ?

Le peintre frissonna malgré lui.

— Dorian, si je vous le disais, vous pourriez m’en aimer moins et vous ririez sûrement de moi ; je ne pourrai supporter ni l’une ni l’autre de ces choses. Si vous voulez que je ne regarde plus votre portrait, c’est bien… Je pourrai, du moins, toujours vous regarder, vous… Si vous voulez que la meilleure de mes œuvres soit à jamais cachée au monde, j’accepte… Votre amitié m’est plus chère que toute gloire ou toute renommée.

— Non, Basil, il faut me le dire, insista Dorian Gray, je crois avoir le droit de le savoir.

Son impression de terreur avait disparu et la curiosité l’avait remplacée. Il était résolu à connaître le secret de Basil Hallward.

— Asseyons-nous. Dorian, dit le peintre troublé, asseyons-nous ; et répondez à ma question. Avez-vous remarqué dans le portrait une chose curieuse ? Une chose qui probablement ne vous a pas frappé tout