Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/25

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Tel nous apparaît Socrate dans les Mémoires de Xénophon, si pieux, comme le dit notre auteur, qu’il ne fait rien sans l’assentiment des dieux ; si juste, qu’il ne causa jamais le moindre tort à personne, et qu’il rendit les plus grands services à ceux qui le fréquentaient ; si tempérant, qu’il ne préféra jamais l’agréable à l’honnête ; si prudent, qu’il ne se trompait jamais dans l’appréciation du bien et du mal ; mais suffisant à l’intelligence de toutes ces notions, capable de les expliquer et de les définir, habile à juger les gens, à les tourner sans cesse vers le bien ; en un mot, suivant le jugement de Herder, « digne par sa méthode, par ses mœurs, par la culture morale qu’il se donna et qu’il ne cessa d’appliquer aux autres, plus que tout cela par l’exemple de sa mort, de servir à jamais de modèle au genre humain. »

Le traité de l’Économie fait suite aux Mémoires : c’est encore une série de dialogues où Socrate joue le principal personnage. On peut diviser ce traité en deux parties. Dans la première, Socrate discourt avec Critobule sur les principes de l’économie, qu’il définit l’art de bien gouverner sa maison. Seulement, il ne borne pas le sens du mot maison à celui d’habitation où l’on réside : il a grand soin de faire observer que la maison comprend ce qu’on possède au dedans ou au dehors de l’habitation. De la sorte, tout ce qu’on peut avoir, y compris même ses ennemis, suivant la fine remarque de Socrate, compose un ensemble de valeurs, dont le bon économe doit tirer parti. Or, pour que l’exploitation du fonds soit parfaite et fructueuse, la qualité essentielle du bon économe, c’est l’ordre, sous toutes ses formes, dans toutes ses applications.

Et d’abord, il ne faut dans le chef de la maison, ni dans la maison même, rien d’inutile, rien qui ne tourne au bien commun : par conséquent, ni passions qui tyrannisent le cœur, ni maîtresses qui détruisent à la fois la santé et l’âme, ni même argent, si l’on ne sait pas s’en servir. Avec les mêmes biens, avec les mêmes ressources, deux hommes peuvent arriver l’un à la fortune, l’autre à la ruine : toute la différence est dans la gestion. Mais la ges-