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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/32

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lors, que le temps était venu de mourir. » Tout le plaidoyer de Xénophon est subordonné à cette idée. Aussi, nul déploiement d’éloquence : rien de passionné et de saisissant ; quelques paroles brèves, nettes, dédaigneuses, mais dépourvues de ce persiflage mesuré, dont Platon flagelle l’iniquité des juges de Socrate, en leur imprimant un stigmate indélébile : point de mouvements entraînants, point de traits oratoires. Par exemple, la dernière phrase de l’Apologie de Platon est un admirable résumé de toute son œuvre, une opposition noble et frappante de la situation morale de Socrate et de celle de ses juges : « Mais il est temps de nous séparer, moi, pour aller mourir, et vous, pour aller vivre : à qui de nous est réservé le meilleur sort, c’est un secret pour tous, excepté pour Dieu. » Dans Xénophon, rien de pareil. Disons pourtant que le silence même de Socrate a je ne sais quoi de digne, d’imposant, de flétrissant pour ses ennemis. « Après avoir ainsi parlé, il sortit sans que rien en lui démentît son langage ; ses yeux, son attitude, sa démarche, conservant la même sérénité. » Cette majesté, cet inaltérable sang-froid dans le maintien d’un homme déclaré coupable et frappé d’une sentence de mort, n’est-elle pas comme la condamnation vivante de ceux qui l’ont condamné ?

L’intention de Xénophon, en écrivant son Banquet, est clairement exprimée par les premières lignes de ce dialogue : « Oui, selon moi, dit-il, non-seulement les actions des hommes beaux et bons sont dignes de mémoire, mais encore leurs simples amusements. » Nous avons donc sous les yeux l’esquisse finement exprimée d’une de ces conversations spirituelles, pleines de laisser-aller et de badinage, où s’abandonnait, sans arrière-pensée et sans fiel, la verve caustique et malicieuse de Socrate. Nous croyons inutile d’examiner si cet opuscule, le plus charmant et le plus ingénieux des petits traités de Xénophon, a été composé en concurrence de celui de Platon, ou si c’est Platon qui a voulu rivaliser avec notre auteur. Cette question a donné lieu, nous le savons, à d’intéressantes controverses ; mais, comme la solution n’en est