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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/47

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boire la ciguë. Mais retrouvant à ses derniers instants, comme plusieurs condamnés héroïques de nos luttes révolutionnaires, toute la sérénité et jusqu’à l’enjouement de son esprit, il dit en versant à terre le reste du poison, comme s’il jouait aux cottabes : « Voilà pour le beau Critias ! »

Nous pouvons nous tromper ; mais il nous semble que ce n’est point là le récit d’un historien médiocre. L’intérêt en est vif, puissant, continu : il y a là de la passion, de l’éloquence dans les discours, et le tableau qui le termine, après avoir ravi l’admiration de Cicéron, n’est point indigne de la nôtre.

La narration du combat naval des îles Arginuses, la mise en accusation des généraux athéniens condamnés à mort pour n’avoir pas pu ensevelir leurs compatriotes, les débats judiciaires qui en sont la conséquence, l’habileté d’Euryptolème à défendre les accusés, la fermeté de Socrate qui cherche à disputer à Callixène les victimes d’une jalousie soupçonneuse, tout cela compose un ensemble de nature à captiver et à remuer le lecteur. Nous en dirons autant du récit de la conjuration de Cinadon : il est complet, achevé, dans sa brièveté sommaire, et il jette un jour curieux, vu la rareté de documents semblables, sur le malaise moral, sur l’irritation politique de certains esprits, de certaines fractions de cette république de Sparte, que les habitudes classiques nous font regarder comme courbée sous l’inexorable niveau d’une législation acceptée ou subie, sans contrôle et sans résistance, par tous les citoyens.

Il faut encore ranger parmi les passages vraiment attachants l’histoire de Cléonyme, fils de Spodrias, obtenant la grâce de son père par l’entremise d’Archidamas, fils d’Agésilas ; l’exposé des moyens dont se sert le tyran Jason pour assurer son autorité despotique sur toute la Thessalie ; l’énumération des manœuvres navales d’Iphicrate ; la discussion soulevée dans le conseil des Athéniens au sujet de leur alliance projetée avec Sparte contre Thèbes ; et, dans cette discussion, les deux discours du Phliasien Proclès, véritables chefs-d’œuvre de bon sens et de raison pratique ; le chapitre consacré à l’éloge de la ville de Phlionte, si héroïque