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Page:Zevaco - Le boute-charge, 1888.djvu/78

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LE BOUTE-CHARGE

der dans son passé, il ne voyait que travail obscur. C’était un ouvrier, fils d’ouvrier. À l’âge où l’enfant a besoin d’air pur et d’espace, il était entré à l’usine. Depuis, l’existence avait toujours été la même, dure, brutale, sans un rayon.

Il se rappelait : on partait dés le matin ; l’été, par les fraîcheurs qui laissent le regret des champs entrevus le dimanche ; l’hiver, par les rues noires encore, tandis que de pales étoiles persistaient à se montrer entre les toits. On arrivait à l’usine, un grand bâtiment solide aux immenses fenêtres badigeonnées de suie. Sous la porte cochère, aux battements de la cloche qui frappait l’heure à coups secs et impérieux, le flot des ouvriers s’engouffrait. Alors, tout ronflait et bourdonnait ; les salles se remplissaient d’une buée vibrante ; et on travaillait dur sous le regard froid des contremaîtres, sous les coups indifférents des visiteurs qui examinaient curieusement cette lutte de l’homme se colletant avec les machines grouillantes : pieuvres d’acier qui happent au pas-