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L’ASSOMMOIR.

mardi et le mercredi de la semaine. Elle partageait ses nuits. Même, elle avait fini, lorsque le zingueur simplement ronflait trop fort, par le lâcher au beau milieu du sommeil, et allait continuer son dodo tranquille sur l’oreiller du voisin. Ce n’était pas qu’elle éprouvât plus d’amitié pour le chapelier. Non, elle le trouvait seulement plus propre, elle se reposait mieux dans sa chambre, où elle croyait prendre un bain. Enfin, elle ressemblait aux chattes qui aiment à se coucher en rond sur le linge blanc.

Maman Coupeau n’osa jamais parler de ça nettement. Mais, après une dispute, quand la blanchisseuse l’avait secouée, la vieille ne ménageait pas les allusions. Elle disait connaître des hommes joliment bêtes et des femmes joliment coquines ; et elle mâchait d’autres mots plus vifs, avec la verdeur de parole d’une ancienne giletière. Les premières fois, Gervaise l’avait regardée fixement, sans répondre. Puis, tout en évitant elle aussi de préciser, elle se défendit, par des raisons dites en général. Quand une femme avait pour homme un soûlard, un saligaud qui vivait dans la pourriture, cette femme était bien excusable de chercher de la propreté ailleurs. Elle allait plus loin, elle laissait entendre que Lantier était son mari autant que Coupeau, peut-être même davantage. Est-ce qu’elle ne l’avait pas connu à quatorze ans ? est-ce qu’elle n’avait pas deux enfants de lui ? Eh bien ! dans ces conditions, tout se pardonnait, personne ne pouvait lui jeter la pierre. Elle se disait dans la loi de la nature. Puis, il ne fallait pas qu’on l’ennuyât. Elle aurait vite fait d’envoyer à chacun son paquet. La rue de la Goutte-d’Or n’était pas si propre ! La petite madame Vigouroux faisait la cabriole du matin au soir dans son charbon. Madame Lehongre,