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LES ROUGON-MACQUART.

la femme de l’épicier, couchait avec son beau-frère, un grand baveux qu’on n’aurait pas ramassé sur une pelle. L’horloger d’en face, ce monsieur pincé, avait failli passer aux assises, pour une abomination ; il allait avec sa propre fille, une effrontée qui roulait les boulevards. Et, le geste élargi, elle indiquait le quartier entier, elle en avait pour une heure rien qu’à étaler le linge sale de tout ce peuple, les gens couchés comme des bêtes, en tas, pères, mères, enfants, se roulant dans leur ordure. Ah ! elle en savait, la cochonnerie pissait de partout, ça empoisonnait les maisons d’alentour ! Oui, oui, quelque chose de propre que l’homme et la femme, dans ce coin de Paris, où l’on est les uns sur les autres, à cause de la misère ! On aurait mis les deux sexes dans un mortier, qu’on en aurait tiré pour toute marchandise de quoi fumer les cerisiers de la plaine Saint-Denis.

— Ils feraient mieux de ne pas cracher en l’air, ça leur retombe sur le nez, criait-elle, quand on la poussait à bout. Chacun dans son trou, n’est-ce pas ? Qu’ils laissent vivre les braves gens à leur façon, s’ils veulent vivre à la leur… Moi, je trouve que tout est bien, mais à la condition de ne pas être traînée dans le ruisseau par des gens qui s’y promènent, la tête la première.

Et maman Coupeau s’étant un jour montrée plus claire, elle lui avait dit, les dents serrées :

— Vous êtes dans votre lit, vous profitez de ça… Écoutez, vous avez tort, vous voyez bien que je suis gentille, car jamais je ne vous ai jeté à la figure votre vie, à vous ! Oh ! je sais, une jolie vie, des deux ou trois hommes, du vivant du père Coupeau… Non, ne toussez pas, j’ai fini de causer. C’est seulement pour vous demander de me ficher la paix, voilà tout !