Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/241

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ne pressais qu’un lambeau sans vie, si las, si usé qu’il ne disait rien à mes bras. Et j’aimais, & je voulais posséder. Je retenais avec désespoir la seule créature qui me restât, j’exigeais qu’elle m’appartînt, j’avais des fureurs d’avare lorsque je croyais qu’on allait me la prendre & qu’elle mettait quelque complaisance à se laisser voler. Je me révoltais, j’appelais toutes mes forces pour défendre mon bien. Et voilà que je ne pressais qu’un cadavre sur ma poitrine, qu’une chose inconnue qui m’était étrangère, dont je ne pouvais pénétrer le sens. Oh ! frères, vous ignorez cette souffrance, ces élans d’amour qui se heurtent à un corps inanimé, cette résistance froide d’une chair dans laquelle on voudrait se fondre, ce silence en réponse à tant de sanglots, cette mort volontaire qui pourrait aimer, qu’on supplie de toute sa puissance, & qui n’aime pas.

Lorsque la voix m’a manqué, lorsque j’ai désespéré d’animer jamais Laurence,