Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ciel où monter ! Heure unique où l’amour ignorant mesure tout à coup sa puissance, se croit maître de l’étendue & s’enivre de son premier coup d’aile ! Frères, que Dieu vous garde cette heure dont le souvenir parfume toute une vie. Elle ne sera jamais pour moi.

Telle est la fatalité. Il est rare que deux cœurs vierges se rencontrent ; toujours l’un d’eux n’a plus à donner son extase en sa fleur. Aujourd’hui, chacun de nous, jeunes gens de vingt ans qui sommes avides d’aimer, ne pouvant briser les grilles des maisons honnêtes, trouve plus simple de s’adresser à la porte grande ouverte des boudoirs de bas étage. Lorsque nous demandons à quelle épaule appuyer nos fronts, les pères cachent leurs filles & nous poussent dans l’ombre des ruelles. Ils nous crient de respecter leurs enfants, qui doivent un jour être nos femmes, ils préfèrent pour elles à nos caresses premières les caresses apprises dans les mauvais lieux.