Page:Zola - Lettre à la France, 1898.djvu/16

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agoniser sous l’imposture, lorsqu’il avait charge de faire lui-même la vérité ; d’autre part, le désintéressement si peu brave des députés, qui affectent de ne rien savoir, qui ont l’unique peur de compromettre leur réélection, en s’aliénant le peuple qu’ils croient antisémite. On vous le dit couramment : « Ah ! si les élections étaient faites, vous verriez le gouvernement et le Parlement régler la question Dreyfus en vingt-quatre heures ! » Et voilà ce que la basse cuisine du parlementarisme fait d’un grand peuple !

France, c’est donc de cela encore que ton opinion est faite, du besoin du sabre, de la réaction cléricale qui te ramène de plusieurs siècles en arrière, de l’ambition vorace de ceux qui te gouvernent, qui te mangent et qui ne veulent pas sortir de table !

Je t’en conjure, France, sois encore la grande France, reviens à toi, retrouve-toi.

Deux aventures néfastes sont l’œuvre unique de l’antisémitisme : le Panama et l’affaire Dreyfus. Qu’on se souvienne par quelles délations, par quels abominables commérages, par quelles publications de pièces fausses ou volées, la presse immonde a fait du Panama un ulcère affreux qui a rongé et débilité le pays pendant des années. Elle avait affolé l’opinion ; toute la nation pervertie, ivre du poison, voyait rouge, exigeait des comptes, demandait l’exécution en masse du Parlement, puisqu’il était pourri. Ah, si Arton revenait, s’il parlait ! Il est revenu, il a parlé, et tous les mensonges de la presse immonde se sont écroulés, à ce point même, que l’opi-