Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/214

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leur village, et quelle joie, lorsque ce village se trouvait à quelques lieues du sien !

On nous envoyait deux hommes, à chaque régiment. Nous ne pouvions les garder, nous les mettions à l’auberge ; mais ils ne s’en allaient pas, sans que ma grand’mère leur eût fait subir son petit interrogatoire.

Je me souviens qu’un jour il en vint deux qui étaient de son pays même. Ceux-là, elle ne voulut pas les laisser partir. Elle les fit dîner à la cuisine. Et ce fut elle qui leur servit à boire. Moi, en rentrant du collège, je vins voir les soldats ; je crois même que je trinquai avec eux.

Il y en avait un petit et un grand. Je me souviens bien qu’au moment de partir les yeux du grand s’emplirent de larmes. Celui-là avait laissé au pays une pauvre vieille femme, et il remerciait avec effusion ma grand’mère qui lui rappelait sa chère Beauce, tout ce qu’il abandonnait derrière lui.

— Bast ! lui dit la bonne femme, vous reviendrez, et vous aurez la croix.

Mais il hochait douloureusement la tête.

— Eh bien ! reprit-elle, si vous repassez par ici, il faudra revenir me voir. Je vous garderai une bouteille de ce vin, que vous avez trouvé bon.