Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/224

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gées, je ne vis plus, à la place de la petite maison blanche, qu’un trou noir où la mitraille et l’incendie avaient passé. Je descendis le coteau, les larmes aux yeux.

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Ah ! mes amis, quelle épouvantable chose ! Vous savez, la haie d’aubépines, elle a été rasée au pied par les boulets. Les grandes giroflées fauves, les géraniums, les rhododendrons, traînaient, hachés, broyés, si lamentables à voir, que j’ai eu pitié d’eux, comme si j’avais eu devant moi les membres saignants de pauvres gens de ma connaissance.

La maison est tout écroulée d’un côté. Elle montre, par sa plaie béante, la chambre de Madeleine, cette chambre pudique, tendue d’une perse rose, et dont on voyait de la route les rideaux toujours fermés. Cette chambre, brutalement ouverte par la canonnade prussienne, cette alcôve amoureuse qu’on aperçoit maintenant de toute la vallée, m’ont fait saigner l’âme, et je me suis dit que j’étais au milieu du cimetière de notre jeunesse. Le sol couvert de débris, creusé par les obus, ressemblait à ces terrains fraîchement re-