Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/239

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dans une clairière où il y avait une grande nappe de soleil posée sur l’herbe noire. Là, je me couchai à plat ventre, l’oreille tendue, regardant entre les branches le sentier par lequel allait descendre Babet.

— Oh ! comme l’oncle Lazare doit dormir ! pensais-je.

Et je m’étendais de tout mon long sur la mousse. Le soleil pénétrait mon dos d’une chaleur tiède, tandis que ma poitrine, enfoncée dans l’herbe, était toute fraîche.

N’avez-vous jamais regardé dans l’herbe, de tout près, les yeux sur les brins de gazon ? Moi, en attendant Babet, je fouillais indiscrètement du regard une touffe de gazon qui était vraiment tout un monde. Dans ma touffe de gazon, il y avait des rues, des carrefours, des places publiques, des villes entières. Au fond, je distinguais un grand tas d’ombre où les feuilles du dernier printemps pourrissaient de tristesse ; puis les tiges légères se levaient, s’allongeaient, se courbaient avec mille élégances, et c’étaient des colonnades frêles, des églises, des forêts vierges. Je vis deux insectes maigres qui se promenaient au milieu de cette immensité ; ils étaient certainement perdus, les pauvres enfants, car ils allaient de colonnade en co-