Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/240

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lonnade, de rue en rue, d’une façon effarouchée et inquiète.

Ce fut juste à ce moment qu’en levant les yeux je vis tout au haut du sentier les jupes blanches de Babet se détachant sur la terre noire. Je reconnus sa robe d’indienne grise à petites fleurs bleues. Je m’enfonçai dans l’herbe davantage, j’entendis mon cœur qui battait contre la terre, qui me soulevait presque par légères secousses. Ma poitrine brûlait maintenant, je ne sentais plus les fraîcheurs de la rosée.

La jeune fille descendait lestement. Ses jupes, rasant le sol, avaient des balancements qui me ravissaient. Je la voyais de bas en haut, toute droite, dans sa grâce fière et heureuse. Elle ne me savait point là, derrière les saules ; elle marchait d’un pas libre, elle courait sans se soucier du vent qui soulevait un coin de sa robe. Je distinguais ses pieds, trottant vite, vite, et un morceau de ses bas blancs, qui était bien large comme la main, et qui me faisait rougir d’une façon douce et pénible.

Oh ! alors, je ne vis plus rien, ni la Durance, ni les saules, ni la blancheur du ciel. Je me moquais bien de la vallée ! Elle n’était plus ma bonne amie ; ses joies, ses tristesses me laissaient parfaitement