Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/242

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me penchai, au risque de tomber. Je réussis à remplir d’eau ma main droite, dont je serrais les doigts. Et je tendis à Babet cette coupe nouvelle, l’invitant à boire.

Les lavandières riaient. Babet, confuse, n’osait accepter, hésitait, tournait la tête à demi. Enfin, elle se décida, elle appuya délicatement les lèvres sur le bout de mes doigts ; mais elle avait trop tardé, toute l’eau s’en était allée. Alors elle éclata de rire, elle redevint enfant, et je vis bien qu’elle se moquait de moi.

J’étais fort sot. Je me penchai de nouveau. Cette fois, je pris de l’eau dans mes deux mains, me hâtant de les porter aux lèvres de Babet. Elle but, et je sentis le baiser tiède de sa bouche, qui remonta le long de mes bras jusque dans ma poitrine, qu’il emplit de chaleur.

— Oh ! que mon oncle doit dormir ! me disais-je tout bas.

Comme je me disais cela, j’aperçus une ombre noire à côté de moi, et, m’étant tourné, j’aperçus mon oncle Lazare en personne, à quelques pas, nous regardant d’un air fâché, Babet et moi. Sa soutane paraissait toute blanche au soleil ; il y avait dans ses yeux des reproches qui me donnèrent envie de pleurer.