Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/243

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Babet eut grand’peur. Elle devint rouge, elle se sauva en balbutiant :

— Merci, monsieur Jean, je vous remercie bien.

Moi, essuyant mes mains mouillées, je restai confus, immobile devant mon oncle Lazare.

Le digne homme, les bras pliés, ramenant un coin de sa soutane, regarda Babet qui remontait le sentier en courant, sans tourner la tête. Puis, lorsqu’elle eut disparu derrière les haies, il abaissa ses regards vers moi, et je vis sa bonne figure sourire tristement.

— Jean, me dit-il, viens dans la grande allée. Le déjeuner n’est pas prêt. Nous avons une demi-heure à perdre.

Il se mit à marcher de son pas un peu pesant, évitant les touffes d’herbe mouillées de rosée. Sa soutane, dont un bout traînait sur les graviers, avait de petits claquements sourds. Il tenait son bréviaire sous le bras ; mais il avait oublié sa lecture du matin, et il s’avançait, la tête baissée, rêvant, ne parlant point.

Son silence m’accablait. Il était bavard d’ordinaire. À chaque pas, mon inquiétude croissait. Pour sûr, il m’avait vu donner à boire à Babet. Quel spectacle, Seigneur ! La jeune fille, riant et