Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/271

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rire. Il abaissa de nouveau les paupières ; à ses lèvres qui tremblaient, je compris qu’il avait conscience de ses souffrances.

— C’est vous, Gourdon, me dit-il enfin d’une voix faible ; la bataille est-elle gagnée ?

— Je le crois, colonel, lui répondis-je.

Il y eut un instant de silence. Puis, ouvrant les yeux et me regardant :

— Où êtes-vous blessé ? me demanda-t-il.

— À l’épaule… Et vous, colonel ?

— Je dois avoir le coude broyé… Je me rappelle, c’est le même boulet qui nous a arrangés comme cela, mon garçon.

Il fit un effort pour se remettre sur son séant.

— Ah ! çà, dit-il avec une gaieté brusque, nous n’allons pas coucher ici ?

Vous ne sauriez croire combien cette bonhomie courageuse me donna des forces et de l’espoir. Je me sentais tout autre depuis que nous étions deux à lutter contre la mort.

— Attendez, m’écriai-je, je vais bander votre bras avec mon mouchoir, et nous tâcherons de nous porter l’un l’autre jusqu’à la prochaine ambulance.

— C’est ça, mon garçon… Ne serrez pas trop