Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/302

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de dégel, l’eau était ainsi montée jusqu’à la porte de la ferme. Mais jamais le flot n’avait grandi si rapide. Par la porte ouverte, nous apercevions la cour transformée en lac. Nous avions déjà de l’eau jusqu’aux chevilles.

Babet avait soulevé la petite Marie, qui pleurait en serrant sa poupée contre sa poitrine. Jacques voulait aller ouvrir les portes des écuries et des étables ; mais sa mère, le retenant par ses vêtements, le supplia de ne point sortir. L’eau montait toujours. Je poussai Babet vers l’escalier.

— Vite, vite, allons dans les chambres, criai-je.

Et je forçai Jacques à passer devant moi. Je quittai le rez-de-chaussée le dernier.

Marguerite, terrifiée, descendit du grenier où elle se trouvait. Je la fis asseoir au fond de la pièce, à côté de Babet, qui restait silencieuse, pâle, les yeux suppliants. Nous avions couché la petite Marie dans le lit ; elle n’avait pas voulu se séparer de sa poupée, elle s’endormait doucement, en la serrant entre ses bras. Ce sommeil de l’enfant me soulageait ; lorsque je me tournais et que je voyais Babet, écoutant le souffle régulier de la fillette, j’oubliais le danger, je n’entendais plus l’eau qui battait les murs.

Mais nous ne pouvions, Jacques et moi, nous