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— Eh ! voici les rames, continua-t-il… Père, nous nous mettrons, toi à l’arrière, moi à l’avant, et nous conduirons aisément le radeau. Il n’y a pas trois mètres de fond… Vite, vite, embarquez, il ne faut pas perdre une minute.

Ma pauvre Babet tâchait de sourire. Elle enveloppa délicatement la petite Marie dans un châle ; l’enfant venait de se réveiller ; toute effrayée, elle gardait un silence coupé de gros soupirs. Je mis une chaise devant la fenêtre, je fis monter Babet sur le radeau. Comme je la tenais dans mes bras, je l’embrassai avec une émotion poignante ; je sentais que ce baiser était un baiser suprême.

L’eau commençait à couler dans la chambre. Nous avions les pieds trempés. Je m’embarquai le dernier ; puis, je déliai la corde. Le courant nous collait contre le mur ; il nous fallut des précautions et des efforts infinis pour nous éloigner de la ferme.

Peu à peu, le brouillard était tombé. Lorsque nous partîmes, il pouvait être minuit. Les étoiles se noyaient encore dans une buée ; la lune, presque au bord de l’horizon, éclairait la nuit d’une sorte d’aurore blafarde.

C’est alors que l’inondation nous apparut dans toute son horreur grandiose. La vallée était de-