Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/312

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Je ne voyais plus Babet ni les enfants. Je me sentais déjà dans la mort.

J’ignore combien de temps dura cette course suprême. Brusquement, la lune se dégagea, les horizons blanchirent. Et, dans cette lumière, j’aperçus en face de nous une masse noire, qui barrait le chemin, et sur laquelle nous courions de toute la violence du courant. Nous étions perdus, nous allions nous briser là.

Babet s’était levée toute droite. Elle me tendait la petite Marie.

— Prends l’enfant, me cria-t-elle… Laisse-moi, laisse-moi !

Jacques avait déjà saisi Babet dans ses bras. D’une voix forte :

— Père, dit-il, sauvez la petite… Je sauverai ma mère.

La masse noire était devant nous. Je crus reconnaître un arbre. Le choc fut terrible, et le radeau, fendu en deux, sema sa paille et ses poutres dans le tourbillon de l’eau.

Je tombai, serrant avec force la petite Marie. L’eau glacée me rendit tout mon courage. Remonté à la surface de la rivière, je maintins l’enfant, je la couchai à moitié sur mon cou, et je me mis à nager péniblement. Si la petite