Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/36

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— Mais, madame, répondit-il en rentrant dans l’eau jusqu’au cou, c’est qu’il y a plus d’une heure que je suis là.

— Ça ne fait rien, monsieur, je ne veux pas que vous sortiez, vous comprenez…. Nous attendrons.

Elle perdait la tête, la pauvre baronne. Elle parlait d’attendre, sans trop savoir, l’imagination détraquée par les éventualités terribles qui la menaçaient. Octave eut un sourire.

— Mais, hasarda-t-il, il me semble qu’en tournant le dos…

— Non, non, monsieur ! Vous ne voyez donc pas la lune !

Il était de fait que la lune avait marché et qu’elle éclairait en plein le bassin. C’était une lune superbe. Le bassin luisait, pareil à un miroir d’argent, au milieu du noir des feuilles ; les joncs, les nénufars des bords, faisaient sur l’eau des ombres finement dessinées, comme lavées au pinceau, avec de l’encre de Chine. Une pluie chaude d’étoiles tombait dans le bassin par l’étroite ouverture des feuillages. Le filet d’eau coulait derrière Adeline, d’une voix plus basse et comme moqueuse. Elle hasarda un coup d’œil dans la grotte, elle vit l’Amour de plâtre qui lui souriait d’un air d’intelligence.