Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/90

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— Ce qu’on trouve, me répondit-il doctement.

Cette réponse m’embarrassa, car j’avais beau chercher, je ne trouvais rien. J’aperçus enfin, dans une mansarde, une jeune ouvrière qui préparait son déjeuner. Sur la table, au-dessous de la fenêtre, s’étalait une belle côtelette, d’un rouge appétissant.

— Voilà mon affaire, pensai-je en toute naïveté.

Et je sautai sur la table, où je pris la côtelette. Mais l’ouvrière m’ayant aperçu, m’asséna sur l’échine un terrible coup de balai. Je lâchai la viande, je m’enfuis, en jetant un juron effroyable.

— Vous sortez donc de votre village ? me dit le matou. La viande qui est sur les tables, est faite pour être désirée de loin. C’est dans les gouttières qu’il faut chercher.

Jamais je ne pus comprendre que la viande des cuisines n’appartînt pas aux chats. Mon ventre commençait à se fâcher sérieusement. Le matou acheva de me désespérer en me disant qu’il fallait attendre la nuit. Alors nous descendrions dans la rue, nous fouillerions les tas d’ordures. Attendre la nuit ! Il disait cela tranquillement, en philosophe endurci. Moi, je me sentais défaillir, à la seule pensée de ce jeûne prolongé.