Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/96

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tu n’es pas une petite maîtresse qui craint les guêpes et les ronces. Tu marches bravement au grand soleil, sachant bien que le hâle de ton cou a des transparences d’ambre fin. Et tu cours les champs en robe de toile, sous ton large chapeau, comme une paysanne amie de la terre. Tu coupes les fruits avec tes petits ciseaux de brodeuse, faisant une maigre besogne, il est vrai, mais travaillant de tout ton cœur et rentrant au logis, fière des égratignures roses que les chardons ont laissées sur tes mains blanches.

Que feras-tu en décembre prochain ? Rien. Tu t’ennuieras, n’est-ce pas ? Tu n’es pas mondaine. Te souviens-tu de ce bal où je l’ai conduite, un soir ? Tu avais les épaules nues, tu grelottais dans la voiture. Il faisait une chaleur étouffante, à ce bal, sous la lumière crue des lustres. Tu es restée au fond de ton fauteuil, bien sage, étouffant de légers bâillements derrière ton éventail. Ah! quel ennui ! Et, lorsque nous sommes rentrés, tu as murmuré, en me montrant ton bouquet fané :

— Regarde ces pauvres fleurs. Je mourrais comme elles, si je vivais dans cet air chaud. Mon cher printemps, où êtes-vous ?

Nous n’irons plus au bal, Ninon. Nous resterons chez nous, au coin de notre cheminée. Nous nous