Page:Zola - Travail.djvu/116

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gauche le président Gaume. On avait mis l’abbé Marle près de Léonore, sa pénitente la plus assidue, la plus aimée. Gourier était près de Mme Mazelle, et Mazelle près du président. Enfin, le capitaine Jollivet et Lucile, les fiancés, étaient à l’un des bouts, en face du jeune Achille Gourier, silencieux à l’autre bout, entre Delaveau et l’abbé. Et Suzanne, prévoyante, pour la mieux surveiller, avait voulu qu’on dressât derrière elle la petite table, que les sept ans de Paul présidaient, entre les trois ans de Nise et les trois ans de Louise, inquiétantes toutes les deux avec leurs menottes qu’elles promenaient dans les assiettes et dans les verres. Une femme de chambre, d’ailleurs, ne les quittait pas, et le service de la grande table était fait par les deux valets de chambre, aidés du cocher.

Dès les œufs farcis, que le sauterne accompagnait, une conversation générale s’engagea, on parla du pain qu’on fabriquait à Beauclair.

« Je n’ai pu m’y habituer, dit Boisgelin. Leur pain de luxe est immangeable, je fais venir le mien de Paris. »

Il avait dit cela simplement, et tous regardèrent avec un vague respect les petits pains qu’ils mangeaient. Mais les événements fâcheux de la veille hantaient surtout les esprits, Fernande s’écria :

« À propos, vous savez qu’hier soir on a mis au pillage une boulangerie de la rue de Brias. »

Luc ne put s’empêcher de rire.

« Oh ! madame, au pillage !… J’y étais. Un malheureux enfant qui a volé un pain !

— Nous y étions aussi, déclara le capitaine Jollivet, froissé de la pitié, pleine d’excuse, qu’il y avait dans le ton du jeune homme. Il est très regrettable qu’on n’ait pas arrêté cet enfant, au moins pour l’exemple.

— Sans doute, sans doute, reprit Boisgelin. Il paraît