Page:Zola - Travail.djvu/447

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un monsieur pour entamer une question d’intérêt  ; tandis que ça devenait beaucoup plus simple, si le monsieur était resté ton ami… Toi-même, peut-être, tu aurais pu le voir, lui parler…  »

Elle l’arrêta d’un geste brusque.

«  Jamais je n’aurais parlé à M. Froment, dans de telles conditions. Tu oublies que j’avais pour lui une affection de sœur.  »

Ah  ! le malheureux, il en tombait à cette bassesse de spéculer sur la tendresse que Luc pouvait avoir gardée au cœur  ; et c’était elle qu’il imaginait d’employer pour attendrir l’adversaire, de façon à le vaincre ensuite plus aisément  !

Il dut comprendre qu’il la blessait, en la voyant tout de suite plus pâle et plus froide, comme si elle s’était de nouveau retirée de lui. Et il voulut effacer l’impression mauvaise.

«  Tu as raison, les affaires ne regardent pas les femmes. Tu ne pouvais en effet te charger d’une pareille commission. Mais, tout de même, je suis content de mon idée, car plus j’y réfléchis, plus je suis convaincu que notre salut est là. Je vais dresser mon plan d’attaque, puis je trouverai bien un moyen de me mettre en rapport avec le directeur de la Crêcherie. À moins encore que je ne le laisse faire lui-même le premier pas, ce qui serait plus adroit.  »

Il était ragaillardi par cet espoir d’en duper un autre et d’en tirer son plaisir, comme il avait fait jusque-là. La vie avait encore du bon, si l’on pouvait la vivre, les mains paresseuses et blanches ignorantes de l’outil. Il se leva, eut un soupir de soulagement, regarda d’une des fenêtres le grand parc, qui semblait plus vaste par cette claire journée d’hiver, et où il espérait, dès le printemps, reprendre ses fêtes. Puis, il eut ce cri  : «  Nous serions bien bêtes de nous désoler. Est-ce que