Page:Zola - Travail.djvu/484

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premières années qui suivirent l’incendie de l’Abîme. Nanet, le petit Nanet, qui devenait un homme, logeait chez Luc avec sa grande, comme il nommait toujours Josine. D’une intelligence vive, d’une bravoure d’entreprise toujours en éveil, il achevait de séduire Luc, au point que celui-ci en faisait son élève le plus cher, un disciple jeune encore, tout imprégné des leçons du maître. Et, pendant ce temps, chez les Jordan, dont la maison était voisine, Nise, la petite Nise, grandissait de son côté, dans la bonne affection de Sœurette, qui l’avait recueillie au lendemain de la catastrophe, heureuse de cette enfant adoptive, trouvant en elle une compagne et une aide d’un charme infini. De sorte que les jeunes gens, continuant à se voir chaque jour, finirent par ne plus vivre que l’un pour l’autre. Leurs fiançailles ne dataient-elles pas de l’enfance, des jours lointains où l’amour enfant, le divin ingénu les enflammait du besoin de se voir, de jouer ensemble, leur faisait braver les punitions et franchir les murailles pour se retrouver  ? Ils étaient alors blonds et frisés comme des petits moutons. Ils riaient du même rire argentin, en tombant dans les bras l’un de l’autre, à chaque rencontre, sans savoir que des mondes les séparaient, elle la bourgeoise, la fillette du patron, lui le gamin des rues, le fils pauvre du misérable travail manuel. Puis, il y avait eu l’effroyable tempête de flammes, l’incendie les renouvelant, les fondant en une même chair, Nise sauvée au cou de Nanet, tous les deux couverts de brûlures, un moment en danger de mort. Et ils étaient, aujourd’hui encore, blonds et frisés, ils riaient toujours d’un rire clair, l’air semblable, comme appareillés. Mais elle était devenue une grande fille, lui un grand garçon, et ils s’adoraient. L’idylle se prolongea près de sept ans, pendant que Luc faisait de Nanet un homme et que Sœurette aidait Nise à grandir en beauté et en bonté. Elle était âgée de treize ans,