Page:Zola - Travail.djvu/485

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lors de l’épouvantable fin de son père et de sa mère, dont les corps, réduits en cendres, n’avaient pas même été retrouvés sous les décombres. Longtemps, elle en garda le frisson, et rien ne pressait, on voulut attendre, pour décider le mariage, qu’elle eût vingt ans, afin que la décision fût prise par elle-même, en toute raison et en toute libre volonté. D’ailleurs, Nanet était bien jeune, son aîné de trois années à peine, encore en apprentissage, sous l’affectueuse direction du maître. Et puis, ils étaient si rieurs, si joueurs, qu’ils n’éprouvaient pas de hâte, ravis simplement d’être gais ensemble, de passer les jours à se rire dans les yeux l’un de l’autre. Ils se retrouvaient chaque soir, s’amusaient follement à se conter leur journée, des choses très ordinaires, des riens, toujours les mêmes. Ils se prenaient les mains, se les gardaient pendant des heures, ce qui était la grande récréation, après laquelle il n’y avait plus que le gros baiser, échangé en se séparant. Du reste, cette bonne entente, si vive et si tendre, n’allait pas sans de petites querelles d’amoureux. Nanet trouvait parfois Nise trop orgueilleuse et trop autoritaire, elle faisait la princesse, comme il le disait. Elle était aussi trop coquette, aimant les belles robes, les fêtes où elle avait l’occasion de les promener. Et ce n’était certes pas défendu d’être belle, au contraire  ! Il fallait toujours être le plus beau qu’on pouvait. Mais ce qui n’était pas bien, c’était de gâter sa beauté par des airs de mépris pour le pauvre monde. Nise, en qui revivait un peu de sa mère jouisseuse et de son père despotique, se fâchait d’abord, entendait prouver qu’elle était la perfection même. Puis, comme elle adorait Nanet, elle se confiait à lui, l’écoutait, désireuse de lui être agréable, en devenant la meilleure possible, la plus simple et la plus douce des petites femmes. Et, quand elle n’y réussissait pas, ce qui était fréquent encore, elle disait en riant que sa fille, si elle en avait