Page:Zola - Travail.djvu/488

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se faire que quatre ans plus tard. Puis, les Bonnaire étaient là, les Bourron, les Fauchard eux-mêmes, tous les ouvriers dont les bras avaient aidé à cette victoire du travail. Ils avaient pullulé, ces hommes de bonne volonté et de foi, ces ouvriers de la première heure  : la foule des camarades présents n’était-elle pas leur famille agrandie, des frères dont le nombre s’augmentait encore tous les jours  ? On était cinq mille, on serait dix mille, cent mille, un million, l’humanité entière. Et la cérémonie, au milieu des puissantes machines, fleuries et enguirlandées, fut d’une simplicité touchante et souveraine.

Souriants, Luc et Suzanne mirent les mains de Nanet et de Nise l’une dans l’autre.

«  Aimez-vous de tout votre cœur, de toute votre chair, et ayez de beaux enfants, qui s’aimeront comme vous vous serez aimés.  »

La foule acclama, cria le mot d’amour, c’était l’amour roi qui seul pouvait féconder le travail, en faisant la race toujours plus nombreuse et en l’enflammant du désir, éternel foyer de la vie.

Mais il y avait déjà là trop de solennité pour Nanet et pour Nise, qui s’étaient aimés en jouant, dès l’enfance. Les deux petits moutons frisés avaient eu beau grandir, ils restaient deux joujoux, dans leurs habits de fête, tous les deux en blanc, délicieux et tendres. Aussi ne se contentèrent-ils pas de cette cérémonieuse poignée de main qu’on leur faisait se donner. Ils se jetèrent au cou l’un de l’autre.

«  Ah  ! ma petite Nise, que je suis content de t’avoir, moi qui t’attends depuis des années et des années  !

— Ah  ! mon petit Nanet, que je suis heureuse d’être enfin à toi, car c’est la vérité pure, tu m’as bien gagnée  !

— Et, petite Nise, te souviens-tu, lorsque je te tirais par les bras, pour t’aider à sauter les murs, ou bien que je