Page:Zola - Travail.djvu/644

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propre et silencieuse, sous une simple surveillance. Et c’était l’intelligence affranchie, une hausse morale et intellectuelle de tous les cerveaux, déprimés jusque-là sous le travail trop rude, mal réparti, d’une iniquité sauvage pour l’immense foule des déshérités, voués à l’ignorance, à la bassesse et au crime. Et c’était, non pas l’oisive paresse, mais un travail plus conscient et plus libre l’homme véritablement roi du travail, se donnant aux occupations aimées, créant à sa guise plus de vérité et de beauté, après les quelques heures de besogne commune, données à la communauté sociale. Et c’était même les tristes bêtes domestiques, les chevaux dolents, tous les animaux de trait et de servage, libérés enfin du chariot à traîner, de la meule à tourner, des fardeaux à porter, rendus à l’existence heureuse des prairies et des bois.

Mais les applications étaient sans nombre, chaque jour naissait un bienfait nouveau. Jordan avait inventé des lampes d’une puissance de lumière telle, que deux ou trois suffisaient à éclairer une avenue. Le rêve d’allumer la nuit, un autre soleil, au-dessus de Beauclair, allait être réalisé sûrement. On venait aussi de construire des serres admirables, immenses, où, grâce à un système perfectionné de chauffage, des fleurs, des légumes, des fruits, poussaient en toutes saisons. La ville en regorgeait, on les distribuait à pleines mains, il n’y avait désormais plus d’hiver, comme il n’y avait plus de nuit. Et les transports, la locomotion, la simple circulation par les rues populeuses, se trouvaient de plus en plus facilités, grâce à cette force donnée pour rien, appliquée à une infinité de véhicules, bicyclettes, petites voitures, chariots, trains de plusieurs wagons.

«  Je m’en vais content, répéta Jordan, de son air de gaieté sereine. J’ai fait ma tâche, et je trouve la besogne assez avancée, pour m’endormir en toute paix. Demain,