Page:Zola - Travail.djvu/658

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les avaient lentement acheminés à une bonne entente complète, grandis côte à côte, désireux du but désormais unique, aimer beaucoup pour être beaucoup aimé. Faire du bonheur était la grande sagesse, la façon logique d’avoir du bonheur soi-même. Et les couples avaient naturellement fleuri, le choix d’amour, l’union était devenue libre, aucune loi ne régissait plus le mariage, soumis au seul consentement mutuel. Un jeune homme, une jeune fille se connaissaient depuis l’école, avaient passé par les mêmes ateliers, et lorsqu’ils se donnaient l’un à l’autre, c’était simplement comme la floraison d’une longue intimité. Ils se donnaient pour la vie, les longues unions fidèles étaient le plus grand nombre, on vieillissait ensemble, après avoir grandi ensemble, dans le don délicieux de deux êtres, de droits égaux, de tendresses égales. Cependant, la liberté restait entière, la séparation était toujours possible pour ceux qui ne s’entendaient plus, et les enfants demeuraient à l’un ou à l’autre, à leur gré, ou bien à la commune, si des difficultés survenaient. L’âpre duel de l’homme et de la femme, toutes les questions qui, pendant si longtemps, avaient dressé les deux sexes l’un devant l’autre, en ennemis sauvages, irréconciliables, se trouvaient très facilement résolues par cette solution de la femme libérée en toutes choses, redevenue la compagne libre de l’homme, reprenant sa place d’égale et d’indispensable dans le couple d’amour. Elle pouvait ne pas se marier, vivre en homme, remplir en tout et partout le rôle d’un homme  ; mais à quoi bon se mutiler, nier le désir, se mettre à part de la vie  ? Il n’est qu’une raison, qu’une beauté, et c’est toute la vie, le plus de vie possible. Aussi l’ordre naturel s’était-il bientôt établi de lui-même, la paix s’était faite là aussi, entre les sexes réconciliés, trouvant chacun son bonheur dans le bonheur du ménage, goûtant enfin les délices du lien d’amour, débarrassé des