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Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/317

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sens, toute poésie est chez Verhaeren religieuse — revêt ici une forme nouvelle. Le poète ne prêche pas, il prie. Ses courts poèmes sont des pages personnelles de sa vie intime, des aveux d’une passion infinie, mais comme voilés d’une pudeur délicate. « Ô la tendresse des violents », dit Bazalgette, en faisant allusion à ces œuvres. Et l’on ne peut imaginer, en effet, spectacle plus touchant que celui de ce grand lutteur qui baisse la voix comme en un pieux recueillement.

L’homme fort et brutal, de peur de blesser une femme frêle, la touche avec douceur, avec précaution, comme un être fragile : ainsi les vers de Verhaeren s’élèvent en un doux murmure ; de peur de froisser des sentiments trop délicats, le poète comprime les élans farouches de sa passion.

Combien admirables, ces poèmes qui semblent par la main doucement vous prendre pour vous mener dans un jardin ! Nous ne voyons plus ici les horizons gris de la cité avec ses usines, nous n’entendons plus le tumulte des rues, nous ne percevons plus ce rythme qui précipite sa course ainsi qu’un torrent : c’est une douce musique qui s’élève, pareille au murmure d’une source jaillissante. On ne se sent plus